Ancien représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit suit de près l’évolution de la transition en Guinée. Le diplomate algérien conseille à la junte de ne pas laisser de côté la classe politique
Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, le diplomate onusien s’est exprimé sur le 3e mandat d’Alpha Condé qui a conduit au coup d’Etat du 5 septembre. ‘’Je me suis dit : ‘retour à la case départ’. Chaque fois qu’un dirigeant manipule la Constitution pour rester au pouvoir, il prend le risque d’un coup d’État ou un risque tout court (…). Hélas, les leçons du passé, dans le pays et dans la région, n’ont pas été apprises’’, indique-t-il.
Il estime qu’Alpha Condé, vers la fin de son règne, avait ‘’cessé d’écouter ses partisans, dont il avait eu besoin pour ses deux premiers mandats. Il s’est isolé de sa base et de ses amis qui lui conseillaient de renoncer. C’est surprenant quand on connaît son itinéraire, son combat pour la démocratie’’.
Sur la conduite de la transition, Saïd Djinnit conseille au colonel MAMADI Doumbouya et Cie de ne pas laisser en marge les leaders politiques. ‘’Une initiative qui exclut les partis politiques ne peut fonctionner. Ils doivent être partie prenante de la recherche de solution. La mise en place de nouvelles institutions ne peut pas être une justification pour prolonger la transition (…). Les hommes n’étant que des hommes, ils vont tenter de rester au pouvoir. Les périodes de transition sont des périodes grises qui ne font pas avancer les pays’’.
En ce qui concerne la question de la désignation d’un médiateur international, le diplomate note qu’à défaut d’avoir un ‘’consensus sur un médiateur national, il est important de trouver une personnalité qui bénéficie de la confiance des deux camps. Si l’opposition guinéenne insiste sur la nomination d’un facilitateur, c’est que le risque de manifestations est réel, et les élections sont toujours accompagnées de violence en Guinée’’.
‘’Je regrette que les autorités guinéennes aient refusé Chambas, qui connait très bien l’Afrique de l’Ouest. Le problème se situe dans le déni de crise. Les militaires ne reconnaissent pas la crise dans laquelle se trouvent leurs pays. Or, ils sont arrivés au pouvoir par la violence, au lieu d’avoir été désignés par le peuple. Ils évoluent dans une anormalité démocratique’’, fait-il remarquer.
Il soutient qu’il ‘’va bien falloir trouver un moyen de travailler ensemble. Je crois que l’organisation a pris conscience de la nécessité de mettre à jour ses instruments pour être à la hauteur. C’est aussi valable pour l’Union africaine. Elles doivent être plus à l’écoute des peuples, revoir leurs textes sur les changements constitutionnels. Il ne faut pas se limiter à condamner les coups d’État, mais décourager en amont les tentatives de manipulation pour se maintenir au pouvoir et aider les pays à surmonter leurs problèmes de gouvernance’’.
Avec VisionGuinee