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Massacre du 28 septembre : témoignage glaçant d’un rescapé, aidé par un coup du destin

Il a vécu une journée cauchemardesque le 28 septembre 2009, mais a eu plus de chance que beaucoup d’autres Guinéens qui s’étaient rendus ce jour-là au stade du 28 septembre de Conakry. Yagouba Diallo est passé tout près de la mort pour rentrer chez lui avec seulement une blessure au pied. Dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, cette autre victime a raconté sa mésaventure.

Au moins 157 morts, plus de blessés dont de nombreux cas graves, mais aussi des femmes violées, c’est le bilan établi par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme après le massacre du 28 septembre 2009. Yagouba Diallo, alors chauffeur qui travaillait pour la Société guinéenne de transport, aurait pu se retrouver dans l’une de ces catégories si le destin n’avait pas joué en sa faveur. Alors que le procès des auteurs présumés de ces crimes est en cours, ce rescapé a décidé de raconter ce qu’il a vécu ce jour-là au stade du 28 septembre et au camp Alpha Yaya Diallo de Conakry.

Arrivé au stade, j’ai trouvé Sidya Touré et Cellou Dalein en train de discuter avec Tiegboro. Entretemps, j’ai entendu des cris vers le portail du stade, les manifestants étaient parvenus à l’ouvrir, nous avons tous foncé vers l’intérieur du stade. Dedans, il y avait des gens qui priaient, alors d’autres chantaient et d’autres poussaient des cris de joie. Quelques minutes après, je suis reparti vers le portail, il y a un camion de la police qui a fait irruption dans l’enceinte du stade, il y avait quelqu’un en haut qui tirait du gaz lacrymogène. Le véhicule roulait à vive allure pour faire le tour du stade et les gens le pourchassaient.
Après avoir fait le tour du stade, il est ressorti. Après, nous aussi, on était en train de sortir du stade, lorsqu’on a rencontré les gens qui tiraient. Quand ils ont commencé à tirer, tout le monde s’est replié dans le stade. Pendant qu’on courait, ils ont tiré sur la tête de quelqu’un, il est tombé, gisant dans le sang. J’ai essayé de grimper le mur pour aller de l’autre côté, mais vu la distance, je n’ai pas pu le faire. Donc, je me suis mis à ramper parce que j’ai vu que beaucoup parmi ceux qui étaient arrêtés étaient en train de tomber. Je suis allé vers l’une des portes qui se trouvent vers le stade Annexe, mais il y avait des militaires arrêtés là-bas avec des civils qui avaient des pointes fixées sur des bois et des couteaux.

Derrière là-bas, sous un manguier, il y avait un groupe électrogène allumé qui alimentait le studio là-bas. À côté, il y avait une toilette dont une des tôles était percée. Tout près, j’ai vu une fille qui voulait monter mais son pied était coincé, je l’ai poussée jusqu’à ce qu’elle a dégagé son pied et elle est tombée. Il y a même des gens qui ont été électrocutés là-bas en tentant de se sauver. Finalement, j’ai grimpé sur la toilette, je suis passé par le trou qui était au niveau du toit pour me retrouver à l’intérieur, j’y ai trouvé une fille et un garçon, on est restés à trois dans la toilette.

Lorsque les tirs ont cessé, les deux ont dit : « sortons d’ici, sinon s’ils viennent ici, ils vont nous tuer ». C’est ainsi qu’ils sont sortis, mais moi j’ai refermé la porte pour rester à l’intérieur (…). Quelque temps après, un militaire est venu donner un coup de pied à la porte en tôle de la toilette, il est vers moi en manipulant son arme. Il s’est adressé à moi en langue sosso en disant « bâtard, donne-moi ton téléphone », je lui ai remis mon téléphone, il s’est retourné.

Après, il m’a regardé et a dit : « viens pour ne pas qu’ils te tuent ici ». On est venus vers la grande porte, il m’a dit de sortir.

Mais il y avait des civils qui avaient des couteaux, qui voulaient tous faire du mal. Mais le militaire a manipulé son arme en disant, « quiconque le touche ici, je vais tirer sur lui ». Il m’a dit d’abord de courir pour sortir, mais il a compris que si je courais, je n’allais pas pouvoir échapper à ces gens qui avaient des armes blanches. Il y avait un camion militaire qui était garé là-bas, où ils avaient embarqué des gens, il m’a dit alors de monter dans ce camion-là », a-t-il expliqué dans un entretien avec notre rédaction.

Lorsque le camion est sorti du stade, Yagouba Diallo s’attendait à être en route pour rentrer chez lui. Mais son calvaire n’était pas encore fini. Il lui a fallu un concours de circonstances pour s’en sortir sans rien de grave. « Quand le camion s’est rempli, les uns sur les autres, on est partis passer vers l’ancien domicile Cellou Dalein, on a pris la route le Prince pour aller au camp Alpha Yaya. Arrivés au camp, on nous a directement envoyés chez Dadis, ils ont débarqué un vieux là-bas, ils l’ont battu avec des bois. Mais après, il y a un militaire qui est sorti en criant, il a dit : « enlevez ces gens-là ici, envoyez-les chez Tiegboro, ce sont eux qui doivent gérer leur cas.

Donc, on nous a envoyés chez Tiegboro, à l’anti-drogue, vers la sortie du camp en allant vers Yimbaya. Quand on est arrivés là-bas, il y a des agents de l’anti-drogue qui étaient arrêtés des deux côtés, ils frappaient les gens n’importe comment avec des bois, des ceintures et des armes. Ils rasaient même les barbes des vieux, des tortures qu’on ne peut pas imaginer. Ils brandissaient des photos de Cellou Dalein, Sidya Touré et Alpha Condé en disant : « ce ne sont pas ces gens-là qui vous ont envoyés, on va vous massacrer tous, on va tous vous tuer ».
Après nous avoir frappés, ils se sont mis à nous fouiller pour retirer tout ce qu’on avait en poche. Ensuite, ils ont commencé à identifier les gens. Lorsqu’ils m’ont demandé mon nom, je me suis présenté, je leur ai dit que je suis chauffeur et que c’est moi qui avais conduit le bus qui est parti à N’Zérékoré lors du décès de la sœur du président (Moussa Dadis Camara). J’ai aussi expliqué qu’à Labé, je faisais partie de ceux qui ont les bus qui ont accompagné le président. Directement, ils ont dit : « il y a un des nous ici ».
Donc, ils m’ont sorti du groupe avec un journaliste. On nous a envoyés dans une chambre climatisée, où on a trouvé un blanc qui était dans une affaire de drogue et un jeune blessé au ventre. Finalement, ils m’ont dit d’appeler ma famille, j’ai appelé un ami qui est venu me chercher. Quand je leur ai dit que mon ami était arrivé, ils m’ont dit de sortir. C’est ainsi que j’ai été sauvé. Mais mon pied droit avait eu un problème, jusqu’à présent, quand je le touche, les nerfs s’enflent », a indiqué ce rescapé, qui ne sait pas ce qui était arrivé aux autres qu’il avait laissés au camp Alpha Yaya.

Guineematin.com

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