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Guinée : un Etat en faillite !

Dans quelques jours, nous allons célébrer avec pompes et circonstances l’anniversaire du vote historique de 1958. A soixante-six ans, nous devrions honnêtement faire un diagnostic sérieux de l’échec de nos gouvernants.

Évidemment, nous ne devons pas confondre l’effort herculéen de nos parents qui ont voté massivement NON au referendum de 1958 avec la mauvaise gestion de nos dirigeants successifs. Notre peuple voulait prendre son destin en main pour créer une Guinée unie et prospère.  Hélas !

Depuis que notre jeune nation est née, il y a 66 ans, au terme d’un effort historique, la gestion des affaires de notre État a affligé les Guinéens comme une maladie chronique. Les régimes successifs n’ont jamais atteint les espoirs qui avaient guidé nos parents en votant NON. A preuve, regarder la faiblesse du système judiciaire et le rôle imparti au système législatif depuis notre indépendance. En Guinée, la construction d’une société démocratique se limite au contrôle de la branche exécutive de l’État. D’autres institutions comme l’Assemblée nationale et un système judiciaire indépendant qui devraient être un contrepoids à la présidence n’ont jamais été encouragés.

L’Etat guinéen (l’exécutif, le législatif et le judiciaire) reste un État faible, enfantin, incapable de neutraliser « la classe dirigeante prédatrice et les institutions économiques exploiteuses »[1]Notre État est incapable de fournir des services de base à nos populations, mais est assez fort pour supporter et maintenir un chef et ses acolytes au sommet. Notre État est « pauvre » pour subvenir aux besoins de nos citoyens, mais assez riche pour donner aux élites une raison de se rassembler autour du butin pour se discuter qui aura « la part du Lion ». Notez la migration saisonnière de nos politiciens qui ont vacillé entre mouvance et opposition comme une pendule.

Depuis l’Indépendance, nous n’avons pas pu examiner et discuter de quelle sorte de République. Nous voulons et devons construire, et comment engager ce processus sur des bases saines et solides pour garantir l’émergence d’une nation salvatrice pour tous ses citoyens. Nous ne nous sommes jamais posés les questions de savoir : Quelle orientation nationale voulons-nous choisir ? Comment organiser notre État pour le bien-être de tous et chacun ? Quels objectifs et quelles structures l’Etat doit adopter ? Comment l’administration publique doit être organisée et sur quelles bases ses employés seront choisis (compétence, intégrité, ou patronage politique) ?  Comment définir les paramètres de l’échiquier politique pour reconnaître les différents courants de pensée entretenus par la classe politique ? 

Notre classe dirigeante s’est conduite et continue à se conduire comme « Don Quichotte de La Manche (lui au moins avait une bonne intention)» en imaginant ce qui est notre réalité commune sans l’utilisation d’aucun élément empirique. C’est la lutte entre le réel de la vie quotidienne des Guinéens et l’imaginaire que nos dirigeants inventent pour s’accaparer du pouvoir de l’État (exécutif, législatif et judiciaire).

Ayant faussé la définition du problème de gouvernance et le mode de développement qui sied à notre pays, notre classe dirigeante exige la soumission et l’abnégation des plus faibles à travers un patronage qui ne dit pas son nom.  Cette classe dirigeante abuse de son autorité qui dérive de son contrôle de la machine de l’État (et le monopole de l’utilisation de la force qui en découle) pour infliger, avec une ferveur masochiste, la peine à nos citoyens.

Dr Ablo Bah

Chaque groupe qui arrive au pouvoir se précipite à identifier le problème guinéen superficiellement (personnification du pouvoir, clientélisme, ethnicité, etc.) et prétend connaître les causes de nos difficultés sans aucune consultation élargie avec les différentes composantes de notre société.  Conséquemment, nos dirigeants choisissent toujours des solutions superficielles, infertiles et éphémères.

Nous allons bientôt nous engager dans le labyrinthe politique qui va s’ouvrir avec la fin chronologique de la transition courante. Les dés sont déjà jetés selon la conduite de nos dirigeants actuels.  Tout est fini.  Rien de nouveau ne jaillira de cette transition aussi.

Encore une fois, comme d’habitude, nous allons rater la définition du problème réel : Comment créer un État de droit qui va garantir l’avenir de nos enfants qui représentent 64% de notre population ? Pas besoin de répondre à cette question dans le pays des slogans, la Guinée. Selon une estimation du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), 8 Guinéens sur 10 ont moins de 18 ans, soit 11 millions de Guinéens.

Au lieu de nous pencher sur la question de savoir quelle Guinée nous laisserons à nos enfants, notre classe dirigeante va continuer à faire la Mamaya. Dans quelques jours, nous organiserons des festivités partout dans le pays et nos dirigeants vont nous sortir des nouveaux slogans vides. Le pays va continuer à patauger dans des chimères en attendant une autre transition. Quel dommage !

Pour une Guinée Unie et Prospère.

Prêt à servir pas se servir !

Dr Abdoulaye Bah
Professeur d’Université aux Etats-Unis, Ret.
Ancien chef de Chaire du Département des Sciences Sociales et Comportementales
Directeur, Centre pour la santé Comportementale et la Résilience
Université de Lincoln
Jefferson City, Missouri USA
Columbia, MO USA

[1] https://www.trade.gov/country-commercial-guides/guinea-mining-and-minerals#:~:text=In%202022%2C%20Guinea%20exported%20just,of%20transporting%20ore%20to%20ports.

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