Ma chère sœur, tu as rejoint la longue liste de femmes dont la vie a été prise injustement, simplement parce qu’elles ont osé défier un monde conçu pour les hommes.
Une lame a coupé court à ta présence sur cette terre, mais ton histoire ne sera pas effacée. Les gens parlent déjà. Ils cherchent à justifier, à accuser, à te condamner. “Elle l’a cherché,” “Elle l’a trompé”, “Elle a refusé de l’épouser.” Comme toujours, dans cette société où les hommes sont rois et les femmes sont coupables par défaut, ton agresseur devient la victime et toi, la victime, tu es de facto coupable.
Mais moi, je veux te dire la vérité. Ce n’est pas de TA FAUTE! Ce n’est pas ta faute si un homme a décidé qu’il avait le droit de contrôler ta vie. Ce n’est pas ta faute si, dans ce monde où on nous apprend à nous soumettre, tu as osé dire non. Ce n’est pas ta faute si on préfère enseigner aux femmes la PEUR plutôt que d’apprendre aux hommes le RESPECT.
Ton meurtrier a parlé. Couvert de ton sang, il raconte son histoire. Il parle froidement de votre relation, des avertissements qu’il t’avait donnés, des menaces de mort s’il te perdait. Tu as peut-être cru que c’était de l’amour, mais c’était simplement une promesse de violence.
Il se vante, sans vergogne. Il parle de ses tentatives de tuer sa première femme, des fois où la justice l’a relâché en proclamant qu’il avait raison. Il parle de sa deuxième femme, belle et jeune, mais c’est toi qu’il préférait, toi qui le visitais, toi qui lui donnais de l’argent, toi cette grande commerçante, toi cette femme, cette mère de 6, Il parle, se vante, avoue.
Pendant ce temps, le procureur promet une enquête. Mais quelle enquête? Quand le crime a été commis sous nos yeux ? Quelle justice, quand le meurtrier raconte fièrement ses actes sans crainte ? Aura-t-elle enfin le courage d’agir ? J’en doute.
Adama Konaté, c’est ton nom, je le retiens! Je ressens de la colère, mon héroïne de Kankan.
Colère envers une société qui t’a abandonnée à ton sort et qui aujourd’hui te trahit encore en justifiant l’injustifiable.
Mais j’espère que cette fois-ci, les choses seront différentes. Que ta mort réveillera les esprits. Que ta voix résonnera si fort que la justice ne pourra l’ignorer.
Peut-être que sur cette terre où les femmes et les vérités sont souvent enterrées, la justice tardera à se manifester. Mais sois en paix, car la justice divine ne faillira pas. Repose en paix, mon héroïne.
Transmet mes salutations à M’mah Sylla (violée et tuée par ses médecins), à Diaraye Sow (violée et découpée en morceaux), à Diaraye Barry (défenestrée par son compagnon), à Souadou Barry (poignardé par son mari), à Fatoumata Tounkara (poignardée par son mari) à toutes ces inconnues qui ont été victimes de féminicide dans ce pays sans que justice ne soit rendue.
Fais un câlin aux plus jeunes, ces mineures qui ont été violées et tuées parfois dans la cour de leur école. Oui adresse un sourire à chacune de ces héroïnes que tu retrouveras là-bas.
Dis-leur, que votre mémoire restera vivante. Nous serons là, nous parlerons, nous crierons, nous nous battrons. Pour toi, pour nous, pour celles qui viendront après.
Avec amour et solidarité, Djen BD Sylla, une femme qui refuse d’oublier.