C’est un tournant historique dans la gestion des séquelles du massacre du 28 septembre 2009. Par décret signé le 26 mars, le président Mamadi Doumbouya a décidé que l’État prendra en charge l’indemnisation des victimes, se substituant ainsi aux condamnés. Une mesure qui sera financée par le Budget National de Développement (BND), comme l’a annoncé la télévision nationale.
Cette décision vient répondre à une préoccupation majeure : la mise en œuvre des réparations après le jugement rendu dans cette affaire emblématique. Si la justice a condamné plusieurs responsables, l’indemnisation restait une incertitude, les coupables étant pour la plupart insolvables.
Une mesure saluée par les avocats des victimes
L’annonce a été accueillie avec soulagement par les défenseurs des victimes, qui considèrent cette initiative comme une avancée majeure dans l’histoire politique du pays. Me Amadou DS Bah, coordinateur des avocats de la partie civile, n’a pas caché son enthousiasme :
« C’est un vrai soulagement pour nous les avocats et aussi les organisations qui accompagnent ces victimes depuis plus de 15 ans, mais également ça le sera pour les victimes parce que depuis plus de 15 ans, on attend d’avoir la justice».

Me Bah rappelle que, malgré la condamnation des responsables, la question des réparations restait entière en raison des difficultés à localiser et saisir leurs biens. Cette intervention de l’État change donc la donne :
« C’est la première fois dans l’histoire politique de notre pays depuis l’indépendance qu’un gouvernement décide de prendre en charge l’indemnisation des victimes des violations graves des droits de l’homme. »
Vers une mise en œuvre concrète
Si la décision politique est actée, les regards sont désormais tournés vers sa mise en application. Les avocats de la partie civile réclament la création d’un organe chargé de piloter le processus et garantir que les indemnisations ne restent pas une simple déclaration d’intention.
« Nous attendons désormais que des mesures concrètes soient adossées à ce décret pour que des textes d’application soient pris, qu’une cellule soit créée, en tout cas un organe pour chapeauter tout ce processus. »
L’ampleur financière du projet n’échappe à personne, mais son importance symbolique et juridique est capitale. L’État justifie son engagement par une nécessité de justice sociale, un argument que partage Me Bah :
« Si nous prenons les auteurs de ces massacres-là, ce sont des personnes qui ont agi sous le couvert de l’État (…) Donc aujourd’hui si le même État, puisque c’est la continuité, décide de prendre en charge ces victimes, je pense que ce n’est que justice. »
Avec ce décret, le gouvernement de Mamadi Doumbouya marque une rupture avec l’immobilisme qui a longtemps caractérisé la gestion des dossiers de violations des droits de l’homme en Guinée. Reste maintenant à traduire cette décision en actes concrets.
AOD